« Honte aux élites qui tiennent en otage leur peuple ! », Par Ibrahima Sadikh Ndour

Les élites sénégalaises (hauts responsables de l’administration, avocats, notaires, responsables de partis politiques, d’organisations patronales et syndicales, universitaires, journalistes, etc.) se caractérisent par une malhonnêteté et une versatilité effarantes. Leur cupidité et leur goût pour l’enrichissement rapide et ostentatoire expliquent, en grande partie, le sous-développement chronique de notre pays qui fait l’objet d’un pillage systématique et concerté de leur part jusqu’à le plonger dans le lot des 25 nations les plus pauvres au monde. Je ne généralise pas. Je ne fais que décrire le profil de la majorité des élites sénégalaises. C’est vrai, on peut rencontrer, à tous les niveaux, des sénégalaises et sénégalais intègres, consciencieux, patriotes, engagés et sincères, mais hélas, ils constituent une minorité !

Malheureusement, on ne les entend presque jamais et ce n’est point leur faute, car la mafia journalistique qui a mis le Sénégal en coupe réglée, ne tend son micro ou n’invite sur ses plateaux de télé que les mêmes, toujours prompts à défendre l’indéfendable et à justifier leurs turpitudes. Ces élites boulimiques et mafieuses n’ont que des mots à la bouche. Ce sont des élites qui pérorent sans aucun argument solide. Elles avancent des affirmations gratuites et adoptent des postures désinvoltes en fonction de leurs intérêts du moment. Elles peuvent dire une chose aujourd’hui et son contraire le lendemain, car elles peuvent compter sur la nature amnésique du peuple sénégalais et sa tendance à aborder toutes les questions sérieuses de façon émotionnelle et non rationnelle.

Je fais ce coup de gueule à la suite de la sortie de Me Ousmane Sèye sur les ondes d’une radio relativement à ce qu’on appelle le protocole de Reubeus. Il en nie l’existence, mais dévoile l’existence d’un accord matérialisant l’acceptation du Premier ministre Idrissa Seck de rembourser 21 milliards de nos pauvres francs. Ce qui serait gravissime et totalement en contradiction avec la décision de non-lieu total (sur tous les chefs d’accusation) rendue par la justice sénégalaise dans ce dossier au profit de l’ancien Premier ministre. Pour appuyer ses affirmations, il dit que cet accord a été acté par Me Pape Sambaré Diop à la requête d’une autre notaire, en l’occurrence Me Nafissatou Diop qui représentait Idrissa Seck. Soit il ment, soit il fait de l’amalgame ou essaie d’induire sciemment les sénégalais en erreur en se jouant d’eux. Dans tous les deux cas, c’est très grave et cela démontre la manipulation, sinon la prise d’otage dont nous sénégalais faisons l’objet de la part de nos élites.

En effet, dans une interview accordée en novembre 2013 au quotidien Libération (http://www.leral.net/Me-Pape-Sambare-Diop-President-de-la-Chambre-des-Notaires-du-Senegal-Le-constat-est-que-le-volume-du-chiffre-d-affaires_a97843.html), Me Pape Sambaré Diop répondant à une question relative à l’existence d’un éventuel protocole dit de Reubeus enregistré dans son Cabinet par ses soins disait en substance «ce qui a été enregistré dans l’affaire à laquelle vous faites allusion. Si c’est à l’affaire à laquelle je pense, l’acte qui avait été «agité» à l’époque n’était qu’un mandat…».

Autrement dit, le document qu’il a enregistré et que le Président Abdoulaye Wade avait brandi pour alléguer l’existence d’un soi-disant protocole ou d’un prétendu accord de remboursement entre lui et le Premier Ministre Idrissa Seck n’était qu’un … mandat, c’est-à-dire un document dans lequel une personne charge à une autre d’agir en ses lieu et place. Les révélations du même quotidien il y a quelques semaines vont, également, dans ce sens avec la publication d’une note manuscrite qui aurait émané du Premier ministre Idrissa Seck et libellée en ces termes «Je soussigné Mr Idrissa Seck donne pouvoir à mon notaire Me Nafissatou Diop de signer l’engagement en date du 29 décembre 2005 portant sur l’accord avec Me Ousmane Sèye, représentant le Président de la République».

De plus, les propos étonnants de Me Sèye sont démentis de façon cinglante par les faits relatés dans un article du quotidien Le Soleil en date du 06 mars 2007 suite à la convocation, devant la Division des investigations criminelles (DIC), de maîtres Nafissatou Diop représentante d’Idrissa Seck et de Pape Sambaré Diop. Dans l’article sus cité (http://seneweb.com/news/Politique/me-nafissatou-diop-cisse-la-dic-wade-veut-contraindre-idy-rembourser-les-fonds-politiques_n_9016.html), il était écrit que «Me Nafissatou Diop Cissé avait accusé le chef de l’Etat d’avoir fait du faux lorsque ce dernier a brandi une attestation, en date du 29 décembre 2005, dans laquelle Idrissa Seck aurait pris l’engagement de lui verser, par le truchement de son avocat, Me Ousmane Sèye, la somme de 7 milliards de francs Cfa à titre d’acompte sur les fonds politiques que l’ancien Premier ministre aurait détournés.»

Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui la sortie de Me Sèye ? Quelles sont les preuves qui soutiennent l’accusation faite par l’ancien ministre Samuel Ameth Sarr accusant Idrissa Seck d’avoir détourné 74 milliards ? Pourquoi Me Nafissatou Cissé se terre-t-elle dans un silence assourdissant ? Pourquoi l’État, ses responsables en tête, ne dépose-il pas plainte contre Idrissa Seck tant et si bien qu’ils ont à cœur une gestion vertueuse des deniers publics ? Qu’est-ce qu’on entend pour porter à la connaissance de l’opinion publique «l’engagement en date du 29 décembre 2005» sans altérer ni manipuler son contenu véritable ? Pourquoi y a-t-il une très grande variabilité dans les montants avancés par les différents accusateurs (7, 21, 44 et 74 milliards) ? Last but not least.

Si les personnes qui s’épanchent à longueur de journée sur les ondes et plateaux de télé sont incapables d’apporter des réponses claires et nettes à ces questions (et bien d’autres) étayées par des documents authentiques, qu’elles cessent de verser dans la manipulation du peuple ! Elles nous doivent un minimum de respect. Nous n’avons pas besoin d’une théâtralisation de la scène politique sénégalaise. Nous avons besoin de propositions et d’actions qui tirent le Sénégal de la pauvreté généralisée de ses masses laborieuses. Enfin, la méthode décriée de la CREI, qui en fait une juridiction d’exception, m’interdit d’exiger de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck de porter plainte s’il se sent diffamé ou de se jutifier. Il appartient à celles et ceux qui l’accusent d’apporter les preuves de leurs allégations. C’est comme ça que fonctionne une justice normale sous tous les cieux.

Ibrahima Sadikh NDour

ibasadikh@gmail.com