Il ne peut plus être le leader du Cercle des intellectuels de l’alternance (Cia) qui soutenait le Président Wade. Isma Dioum souhaite se concentrer sur sa nomination par Serigne Modou Kara comme Administrateur général du Pvd. Si pour lui Macky Sall a de «bonnes idées» pour le pays, il faut néanmoins reconnaître qu’il y a toujours des «problèmes».
Qu’est-ce que cela vous fait d’être nommé Administrateur général du Pvd ?
C’est un très grand plaisir pour moi. C’est, je crois, le couronnement d’un comportement politique. Je pense que personne ne peut nier l’importance stratégique que représente Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni dans le dispositif national. Quand un homme pragmatique, de vérité, de dignité, d’honneur me confie une responsabilité aussi importante, je ne peux qu’être comblé et honoré. Je ne ménagerai aucun effort pour mériter cette confiance.
Aviez-vous des relations aussi proches avec lui avant cette nomination ?
Je suis un mouride et c’est mon marabout. Et quand il m’a appellé pour me dire sa volonté de me nommer administrateur, cela a été une grande surprise pour moi. Il m’a dit : «Tu es un cadre et un intellectuel. Je t’ai suivi et je me suis rendu compte que tu es un homme animé de courage et d’engagement. Voilà donc les critères qui m’ont poussé à te choisir. Je sais qu’avec ton sens des relations sociales, tu parviendras à relancer le Pvd.»
Est-ce que vous avez une certaine ligne politique à réorienter ?
La ligne politique, c’est que le Pvd est un parti non-aligné, qui a su garder son identité sécuritaire, son patrimoine personnel. C’est un parti qui n’est pas organisé sur le plan des alliances politiques, mais qui prétend maintenant mettre en place ce qu’il appelle une Alliance du siècle.
Qu’est-ce que cette Alliance du siècle ?
Il s’agit de mettre en place un alliance d’envergure nationale qui va regrouper des mouvements sociaux et politiques pour essayer d’avoir une force de frappe importante à même de pouvoir se peser dans le contexte politique du pays.
Tout le monde parle de 2017. Le Pvd a-t-il des ambitions pour cette échéance ?
Je ne peux pas parler au nom d’un parti dont les instances ne se sont pas encore réunies. Mais tout ce que je peux dire, c’est que c’est un parti qui est autonome sur le plan organique et sur le plan constitutionnel, qui a comme principe fondamental la volonté de respecter des libertés et protéger les intérêts du Sénégal. Donc nous allons, avec les instances du parti, mieux cibler nos priorités et mettre en place une ligne d’action qui nous permettrait de mettre en œuvre les orientations du parti. Nous allons créer des alliances qui répondent uniquement à l’intérêt du Sénégal.
La vocation d’un parti est de participer à la conquête du pouvoir. Etes-vous aujourd’hui dans cette dynamique ?
Ce qui nous intéresse fondamentalement à l’heure actuelle, c’est de relancer le parti, remobiliser les militants, faire en sorte que le Pvd puisse être l’une des forces les plus importantes du pays. Et cela nous permettrait de participer à la conquête du pouvoir. Comme le stipule la Constitution, les partis et coalitions de partis participent à l’expression du suffrage universel. Mais il faut créer les conditions aptes à nous permettre de participer significativement à ces batailles politiques. C’est pourquoi nous allons mettre en place des stratégies de communication pour faire du Pvd un parti conquérant qui, demain, peut jouer un rôle dans la conquête du pouvoir.
Etes-vous plus proche du parti au pouvoir que de l’opposition ?
Nous sommes plus proches de nous-mêmes et des intérêts des Sénégalais. Nous ne sommes hostiles ni à Macky Sall ni à l’opposition. Nous respectons l’ensemble des partis politiques.
Tout dernièrement vous avez fait un communiqué favorable au Président Sall…
Oui, j’ai fait un communiqué par rapport à la Francophonie en disant que c’est un succès diplomatique du président de la République. J’ai aussi fait un autre communiqué dans le cadre du Cercle des intellectuels de l’alternance, relatif aux évènements du Burkina Faso. J’ai eu à dire que le Président Macky Sall y a joué un rôle capital. Donc, c’est à l’honneur de notre diplomatie. En tant que Sénégalais imbu des valeurs nationales, à chaque fois que le pays montre une image correcte de sa démocratie, je dois le saluer.
Quelles sont vos relations avec le Président Macky Sall ?
Nos relations n’ont jamais été hostiles. Nous avons été dans le même parti politique. Quand il était le responsable de la Cellule initiatives et stratégies (Cis), j’étais responsable du Cercle des intellectuels de l’alternance (Cia). Quand il a été nommé Premier ministre, il m’a reçu et nous avons discuté. Et j’ai essayé d’être à ses côtés pour l’accompagner dans le cadre de la politique qui avait été définie par le chef de l’Etat. Aujourd’hui, ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir répondre favorablement à l’attente du président Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni qui a eu l’amabilité de me confier une responsabilité politique aussi importante. Donc, toute mon énergie, ma compétence, toutes mes relations, tout ce que j’ai comme patrimoine, je vais le mettre à la disposition du Pvd. Je me consacre à la satisfaction des orientations de ce parti et à son développement. Ma mission c’est de rassembler, unifier, développer le parti.
Qu’allez-vous faire du Cia ?
Ah ! Toutes les instances vont se réunir pour apprécier la nouvelle donne.
Allez-vous laisser le Cia pour le Pvd ?
A l’heure actuelle, il m’est extrêmement difficile de diriger le Cia. Avec les membres du Cercle de la direction des intellectuels, nous allons organiser une Assemblée générale. Un autre peut le diriger. En tout cas, ce n’est plus possible pour moi de cumuler ces deux fonctions parce que les vocations ne sont pas les mêmes.
Etait-ce pertinent d’ailleurs de maintenir l’appellation Cercle des intellectuels de l’alternance, alors que nous sommes dans une deuxième alternance ?
Non, je pense qu’il faut repréciser que l’objectif du Cia n’était pas de répondre à une personne ou à un régime, mais de défendre les institutions du pays.
Le Pvd s’inspire de quel courant ?
Nous ne connaissons pas le Libéralisme ou le Socialisme. Le Pvd s’inspire fondamentalement de Cheikh Ahmadou Bamba Khadim Rassoul. Notre parti repose sur les valeurs nationales comme la droiture, la sincérité, la transparence, la vérité, etc. Notre pays est l’élément central dans la perception que nous avons de la politique.
Par rapport à la transparence, que pensez-vous de la polémique autour des dossiers Arcelor/Mittal et Petro-Tim ?
Je pense que c’est un débat qui n’est pas encore clarifié. Le Pds a fait des accusations, le gouvernement a répondu. Le Pvd veut la vérité dans cette affaire.
Comment appréciez-vous la gestion du Président Macky Sall ?
Ce qu’il faut noter, c’est que Macky a une bonne volonté de redresser le Sénégal. Il prône une gouvernance sobre et vertueuse, restreint les dépenses publiques pour faire des économies et injecter ces ressources dans les investissements. Quelle que soit par ailleurs l’adversité qu’on peut avoir avec lui, on doit quand même admettre que c’est un homme d’engagement et qui a une vision pour le Sénégal. Maintenant, il y a bien sûr des problèmes qui restent encore à résoudre. Et c’est cela le paradoxe. Peut-être qu’il faudra garder l’espoir avec le Plan Sénégal émergent.
Qu’est-ce qui explique ces problèmes ?
Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que toutes ces mesures devraient entraîner une plus-value pour le Sénégalais.
Ce n’est pas le cas pour vous ?
Ce n’est pas le cas.
Il est mal entouré ?
Ah ça, je ne saurais le dire.
Vous aviez soutenu le Pds avec le Cercle des intellectuels de l’alternance. Quelle appréciation faites-vous de la polémique entre Wade et le régime de Macky Sall ?
Il faut comprendre que Wade a son fils qui est en prison depuis deux ans. Et cela peut créer des sentiments de haine ou provoquer certaines attitudes.
Donc vous l’expliquez par l’emprisonnement de Karim ?
Cela peut être un facteur parce que c’est quand même un père.
Avez-vous rencontré le Président Macky Sall depuis son élection ?
Oui j’ai eu une rencontre politique avec lui. Il m’a tendu la main et m’a demandé de l’accompagner dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique.
Vous avez décliné ?
Je n’avais pas refusé, mais j’ai mis sur la table un certain nombre de conditions.
Lesquelles ?
Parce que j’ai fait 12 ans avec Wade avec ma base politique à Touba et, en tant qu’animateur du Cia, je n’ai jamais eu un poste de responsabilité. Personne n’ignore tout l’effort que j’ai fourni pour accompagner le Président Wade. Et j’ai dit qu’il n’est plus question que je m’engage dans une quelconque action sans les moyens de faire la politique. Et le Président Sall m’a bien compris. Tout le monde connaît le sort qui m’a été réservé par l’ancien régime.
Quel sort ?
Les gens me menaient la guerre parce que j’avais une certaine envergure avec mes cellules du Cia un peu partout. Cela a dû frustrer les fils authentiques du Pds qui ont mené une campagne calomnieuse contre moi.
Est-ce que vous voyiez la Cellule initiatives et stratégies (Cis) comme une concurrente du Cia ?
Oui c’est clair. Il y avait des rivalités entre la Cis et le Cia que je dirige. D’ailleurs, le Président Wade m’avait appelé pour me faire comprendre que j’étais en train de gêner la Cis. Et là, je me suis rebellé contre le Président. Je lui ai dit : «Pourtant j’ai créé ce mouvement sur votre instruction. Je n’ai rien compris.» C’est en ce moment que j’ai même proposé la dissolution du Cia et qu’on en finisse. J’ai quand même une base. D’ailleurs au second tour de la Présidentielle de 2012, quand Madické Niang a fait un tour chez moi, il m’a dit : «Je ne pensais pas que tu avais un coefficient de mobilisation aussi intense à Touba.» C’est en ce moment qu’il a appelé Karim Wade pour le lui dire.
Avez-vous complètement tourné la page du Pds ?
Je pense que mon objectif, désormais, c’est de répondre à l’appel de Cheikh Ahmadou Kara Mbacké et de remplir la mission qu’il m’a confiée. Je suis avec le Pvd et j’ai la responsabilité d’administrer ce parti. Donc ça me suffit largement. Le Pvd, c’est une affaire de valeurs et de morale.
Tout ce que vous avez comme capital, comme vous le dites, vous l’amenez avec vous au Pvd ?
Ah oui ! C’est ma base politique de Touba et j’en ai aussi au Cia.
Avez-vous rencontré Wade depuis sa défaite de mars 2012 ?
Non, je ne l’ai jamais rencontré depuis, mais je ne nourris aucune haine envers lui.
Le quotidien.sn