Partout où il y a eu un coup d’État, il va sans dire que les militaires putschistes se sont départis de cette maxime. Est-ce qu’au Sénégal un tel risque est, aujourd’hui encore, une vue d’esprit ? Rien n’est moins sûr.
Je me souviens de mes échanges épiques avec un ami Lyonnais, Togolais de son état, sur deux sujets : la limitation du nombre de mandats présidentiels et le droit de vote des militaires et paramilitaires. Notons au passage que, à la base, les paramilitaires reçoivent la même formation que les militaires.
Lui y était favorable dans les deux cas, pour ses raisons propres, tandis que pour ma part j’y étais opposé.
Pour moi, en effet, nonobstant en l’occurrence la limitation d’âge, qui peut se justifier par les limites naturelles des facultés ou capacités humaines, en démocratie tout candidat à telle ou telle élection devrait pouvoir y prétendre autant de fois que désiré.
Aussi, dans un pays comme le Sénégal, où le service militaire n’est pas obligatoire pour tous (garçons et filles), il m’apparaît extrêmement dangereux d’accorder le droit de vote aux militaires et aux paramilitaires. En effet, selon moi, il est abusif de considérer seulement le vote comme un acte citoyen. Le vote est un acte à la fois citoyen et politique.
Citoyen, parce qu’en la matière il interpelle et matérialise notre devoir en tant que Citoyen ; et politique, parce qu’il interroge sans s’y méprendre quant à notre sensibilité sinon à notre appartenance idéologique, quand il ne nous y oblige pas. Ce faisant, il nous installe, déjà, dans la position de celui qui, entrant dans la politique par ce fait même, fait justement de la politique. Ceci est et demeure ma conviction.
Or, j’ai eu froid dans le dos, quand échangeant avec des agents des FDS (forces de défense et de sécurité) en faction, je découvris qu’ils étaient idéologiquement plus marqués au fer rouge que moi-même, avec cependant un cerveau apparemment inversement proportionnel au reste d’un corps formidablement musclé, plus une arme d’assaut ultra moderne. Et cela se passe de nos jours au Sénégal, dans la région de Dakar, par un soir d’octobre 2023. En fait, je crains qu’en 2023, au Sénégal, nous ne soyons déjà assis sur une bombe sur socio-politico-militaire.
Par Jean-Marie François Biagui